L’article L. 132-13 alinéa 1 du Code des assurances écarte le capital et la rente ainsi que les primes d’assurance-vie du rapport et de la réduction pour atteinte à la réserve.
Ainsi, l’assurance-vie présente un régime exorbitant sur le plan successoral, dans la mesure où celle-ci se trouve par principe hors succession, ce qui est souvent source de contentieux dès lors que certains héritiers s’estiment lésés lorsqu’ils ne sont pas désignés bénéficiaires du capital après décès.
Néanmoins, l’alinéa 2 de l’article précité instaure immédiatement un garde-fou, puisque le rapport ou la réduction est dû lors que les primes ont été manifestement exagérées eu égard aux facultés du souscripteur.
En raison de l’absence de définition légale des primes « manifestement exagérées », la jurisprudence a pris soin d’en préciser les contours.
Classiquement, la Cour de Cassation pose le principe selon lequel l’exagération manifeste doit s’apprécier à l’aune des critères suivants :
– La proportion des primes au regard de l’âge et la situation familiale du souscripteur
– La situation patrimoniale globale du souscripteur
– L’utilité de l’opération pour le souscripteur
(Cass. Ch. mixte, 23 novembre 2004, n° 01-13.592)
L’arrêt rendu le 16 décembre 2020 par la Première Chambre civile de la Cour de Cassation est l’occasion de confirmer ces critères, puisqu’il considère que la Cour d’appel pour retenir l’excès des primes, avait bel et bien tenu compte de l’âge, de la situation patrimoniale et familiale du souscripteur, et de l’utilité de l’opération au moment du versement. Le moyen de Cassation n’était donc pas fondé.
Sur ce point, il convient de rappeler que les critères relevant de l’appréciation souveraine des Juges du fond sont cumulatifs, et appréciés au moment du versement de la prime, et non pas par rapport à l’actif de succession.
L’arrêt d’espèce enseigne que la Cour d’appel a pu valablement considérer manifestement excessives des primes uniques représentant 61% du patrimoine, versées par retraité veuf de 65 ans, disposant d’une retraite de 55 000€ par an, alors ceci ne s’inscrivait pas dans un projet particulier tel que le financement de frais d’hébergement en maison de retraite et ne présentait aucun intérêt personnel ni économique.
Il pouvait être considéré que l’âge et la situation patrimoniale du souscripteur n’étaient pas en tant que tel revélateur de l’exagération manifeste puisque le souscripteur ne souffrait d’aucune maladie grave, et était décédé assez longtemps après les versement à près de 80 ans. En outre ses revenus étaient qualifiés par la Cour de « confortables ».
Dès lors, au delà de l’âge et du montant de la prime versée au regard du patrimoine, c’est surtout l’utilité du contrat qui s’avère déterminante.
En effet, la Cour d’appel avait considéré que le seul but était de soustraire l’essentiel de l’actif successoral au profit d’un seul héritier réservataire.
En clair, le versement ne présentait pas d’utilité particulière pour le souscripteur par exemple en terme d’investissement et de fructification du patrimoine.
Dans la mesure où l’ensemble des critères avaient été analysés par la Cour d’appel, la Cour de Cassation ne pouvait que valider l’appréciation souveraine de l’excès manifeste qui avait été faite.
Si le caractère excessif n’appelait pas de critiques, la Cour de Cassation retoque en revanche les Juges d’appel sur le montant à rapporter à la succesion. En effet, la Cour d’appel avait considéré que le bénéficiaire devait rapporter à la succession les sommes et les intérêts perçus au titre de l’assurance-vie.
Or, c’était là dénaturer la portée du texte de l’article L. 132-13 du Code des assurances qui prévoit uniquement le rapport de la prime excessive et non le capital.
Les praticiens devront donc veiller à cantonner aux seules primes excessives.